Cap au Sud

02 janvier 2020 | Récits de voyage

Journal de bord

Voilà 15 jours que je suis dans le sud du Sahara. J’ai rencontré peu de surfeurs. Beaucoup de vagues. Les rencontres marquent souvent un surftrip. C’est ainsi que le surftrip devient une aventure à part entière.

Après avoir traversé des kilomètres de côte désertique où j’ai peu eu d’échanges avec « l’extérieur ». Seuls quelques pêcheurs dotés d’une énergie folle. Il existe plusieurs types de pêcheurs ici dans le Sahara, dans les eaux parmi les plus poissonneuses du monde. Certains m’ont plus marqué que d’autres. Les premiers pêcheurs pêchent à la ligne avec de très longues cannes. Soit du haut des falaises de 5, 10, 20 m parfois plus. Soit au pied de celles-ci. Dans ce cas des sentiers minuscules et abruptes descendent jusqu’à l’océan. Stupéfiant ! Les pêcheurs vivent ainsi dans des habitats de fortune, parfois au sein même des falaises. D’autres pêchent du bord des plages.

Je me souviens également d’un minuscule village de pêcheurs où déroule une belle droite d’ailleurs. Ce village est perdu dans le désert entre de hautes falaises. Une petite plage se découvre lorsqu’on s’approche du bord. On découvre un balai humain merveilleux. On dirait un orchestre où tout s’anime avec justesse. Des gens en mouvement de partout. Chacun a sa tâche et l’effectue avec sagesse. Ces pêcheurs pêchent avec des bateaux. Ils ne sont pas très grands, souvent bleus et sont remontés sur la plage par des tracteurs. J’ai croisé plusieurs villages de pêcheurs ainsi, dont le plus connu se nomme Lassarga.

Avec d’autres surfeurs, nous sommes arrivés à la conclusion que ceux qui nous impressionnent le plus sont ceux qui partent récupérer les filets en bouée. Enfin en énorme chambre à air. On aperçoit le matin tôt ces pêcheurs dans la brume épaisse et froide assis dans le trou de leur « bouée ». Ils sont équipés d’une combinaison et de palmes. Ils palment assis par des mouvements verticaux le long des falaises, parfois au large. Ils partent poser des filets et récupérer leurs prises. Cela peut durer longtemps et c’est clairement éprouvant. Ils rentrent essoufflés.

Un jour, la houle était grosse, on les regarda et on s’est tous dit : « Les mecs c’est des dingues ». J’en ai vu un une fois se faire prendre par une grosse série à une pointe. Il a dû plonger sous la vague laissant sa bouée partir à plusieurs centaines de mètres de lui. Il a dû nager pour tout récupérer et revenir au bord comme si tout était normal. D’ailleurs il nous a offert du poisson à manger pour le midi. C’est ainsi ici, l’ambiance est paisible et on se laisse porter par cette nonchalance et cette gentillesse. On partage sa nourriture, un thé, une session de surf. L’ambiance même au line-up est agréable, joyeuse. C’est comme ça que j’ai fait la rencontre de Greg et Cécile. Deux Français qui arrivent de Dakar. Greg surfe depuis longtemps et il surfe bien. Très bien. On a partagé nos premières sessions ici ensemble. Je pense qu’on en partagera d’autres. La voilà la rencontre qui aura marqué le sud du Sahara sans oublié les innombrables échanges avec la population locale. Accueillante, chaleureuse.

Ces deux premières semaines m’ont permis de surfer pas mal de vague côté sud du Sahara. J’ai fortement hésité à partir plus au sud. Le Sénégal… La Guinée... Ce n’était finalement pas le moment. Plus tard. Ce moment où beaucoup de choses te disent non et que tu dois écouter.  Je reste donc ici pour prendre le temps de surfer un maximum et découvrir le nord et le centre du Sahara. Si je reste c’est aussi parce que on a trouvé des vagues…Et quelle vague !

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Rendez-vous au line-up

Après quelques jours d’attente, la houle fût au rendez-vous. Si les cartes annonçaient un joli swell, on ne s’attendait pas à cette qualité. Nous étions prêts à surfer. Les ravitaillements d’eau et de nourriture effectués. Nous n’avions pas mal d’infos sur les spots à surfer. Certains sont connus ici d’autres pas du tout. D’ailleurs on n’y a croisé aucun surfeur. Sur les spots les plus connus, nous n’étions pas très nombreux au line-up. Les sessions à un, deux ou trois ont été nombreuses.

La première vague que l’on a pu surfer déroule juste devant notre « spot dodo ». Trop facile. Lorsque Greg a pris la première vague, je l’ai vu surfer jusqu'à presque ne plus le retrouver des yeux. J’ai fini par l’apercevoir quelques minutes plus tard remontant à pied le long de la baie pour rejoindre le line-up. Dingue !

Les vagues étaient presque parfaites. Ça manquait un peu de taille parfois et l’orientation était parfois limite. Mais au final la houle n’a cessé de nous offrir des vagues de plus en plus longues jusqu'à en avoir mal aux jambes. Un départ rapide et creux qui devient plus plat en deuxième section puis qui repart plein gaz pour finir en bowl en troisième section. On n’en revenait pas. Il fallait faire un bon nombre de cut-back pour suivre la vague. Il y avait moyen de caler pas mal de manœuvres.

C’est le deuxième jour et là les conditions étaient parfaites. Si Greg, heureux jusqu’aux oreilles, trouvait le moyen de dire avec un peu de déception : « Manque pas grand-chose pour se caler des tubes bien carrés. Je crois que j’ai trop envie d’un bon barrel » nous étions comblés. C’était dingue et je n’ai pas pu prendre un max de photos vu le temps passé dans l’eau.

En fin de session, la houle avait pris un peu de taille et des sections de plus en plus creuses étaient en train de se former. Il n’en a pas fallu beaucoup plus pour Greg. J’étais en train de remonter au pic à la rame lorsque je l’ai vu envoyer un roller puis freiner ensuite. Je me suis dit tout de suite « Là y a bon ». Je l’ai vu s’engouffrer profond dans un joli tube pour en sortir un peu en catastrophe puisqu’il a fini par fermer en mode chausson. On a juste envoyé un bon cri de joie qui fait du bien. Parfait !

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Même si ce spot est bien connu, les rares locaux sont très accueillants. Ici on se partage les bonnes vagues. Il y en a beaucoup et on est maximum 10 dans l’eau lorsque c’est blindé. Donc forcément l’ambiance est cool. Alors quand on est deux !

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Seul au milieu du désert

Les premières sessions seul sont arrivées juste après le départ de Greg. Une nouvelle houle est venue frapper la côte. Un peu moins grosse mais très propre. Il y a ici une multitude de Beach break. Ces vagues nécessitent plus d’engagement. Elles sont plus courtes, plus creuses, plus rapides. Mais on est seul. La vague la plus fun se situe auprès d’un bateau échoué. Il n’y a personne mais la vague déroule parfaitement. Elle est rapide et peu faire peur au take-off. Il y a moyen de caler deux ou trois manœuvres dans un creux rapide ou bien de s’engouffrer un joli barrel quand les conditions sont au rendez-vous. Comme sur pas mal de vagues ici au final.

Mais au final le gros coup de cœur vient d’une vague située un peu plus au nord. Au début de notre remonté dans le désert nous avons croisé la route d’une première pointe. Ici une longue vague déferle dans une sorte de baie. Accessible par un chemin escarpé dans les falaises on finit sur la plage pour marcher jusqu’au pic. Cette vague est désertique. Une longue droite avec beaucoup de courant pour rester au bon endroit. La fin de vague est facile à surfer alors que le take-off et les premiers mètres peuvent être plus techniques.

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Mécanique d’une vague

Alors que la houle devait disparaître pour quelques jours, je voyais sur les cartes qu’une nouvelle houle allait arriver à nouveau en fin de semaine avec une grosse période ce qui façonne parfaitement les vagues d’ici.

Je suis quand même allé checker le matin un spot plus connu où déroule une droite parfaite. On parle souvent de mécanique des vagues. Mais la mécanique de celle-ci est incroyable. Il n’y a personne à l’eau lorsque j’arrive. Les vagues ne me semblent pas très grosses comme les derniers jours où elles pouvaient parfois nous procurer pas mal de sensations au line-up.

Au final une fois à l’eau, les plus beaux sets pouvaient être « head high » (traduisons par la lèvre au niveau de la tête). Largement suffisant pour cette vague pour procurer un surf incroyable. La vague déroule sur des centaines de mètres dans un endroit sauvegardé et encore sauvage. La longueur de la vague est telle qu’il faut parfois plus de 5 mn à pied pour longer la vague jusqu'au début du pointbreak… Si si … Je n’ai pas osé imaginer cette vague over head avec une plus grosse période, je préfère prévoir d’y retourner pour sentir ça en direct.

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La vague déroule en droite partant d’une pointe et déroulant le long d’une plage circulaire. Ce matin j’ai surfé seul des vagues à n’en plus finir. J’ai eu l’impression parfois que ça n’allait jamais s’arrêter.

Au bout de plusieurs manœuvres, ça n’arrête pas d’ouvrir encore et encore. Les yeux rivés sur la lèvre majestueuse qui ne cesse de remplir de bonheur. L’image du surf parfait qui fait rêver pas mal de gosses. Cette vague dont tu as douté de l'existence. Je me souviens d’une vague où j’ai fini par avoir mal aux jambes et avoir eu le temps de me dire « ça ne s’arrête pas » en plein milieu de la vague. J’en ai eu encore pour un moment et plusieurs turns de plus avant de finir cette vague. La perfection à l’état que je n’avais pas croisée depuis longtemps en surf. Même après 24 années dans l’eau et des années à sillonner le monde. On parle de minutes de surf parfois sur cette vague c’est pour dire !

On the road again

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Au final, après deux semaines dans le sud Sahara on n’a plus qu’une seule envie : ne pas partir. Je pense que je reviendrai ici pour surfer en équipe cette fois et sillonner d’autres zones plus au sud. Il aura manqué un peu de grosses houles mais au final on s’est gavé. Puis pour ma part pour la reprise c’était parfait.

Maintenant le souci c’est que je n’ai plus de gaz pour cuisiner. C’est con mais dans le Sahara, ce n’est pas les mêmes bouteilles. On fera crudivore et jus de fruit pour le matin pour le reste du trip. Bon le camion roule toujours on ne va pas se plaindre même si une batterie auxiliaire m’a l’air morte.

Grâce à Greg et Cécile on a trouvé quelques adresses de mécano super bon apparemment. Le camion risque sûrement d’y faire un tour pour faire quelques réparations. Eux en avaient bien besoin avec leur 4x4 (équipé de tente sur le toit s’il vous plait !). Bon vent à eux et à bientôt sur les vagues !

Je ne sais pas encore mes prochaines destinations. Quand vont-elle se dévoiler. Mais revenir ici pour suivre les côtes africaines m’inspire beaucoup. Surtout maintenant que je sais comment passer les frontières pour rejoindre le Sénégal et aller encore plus au sud. Mais qui sait ? Cette prochaine aventure ne se fera certainement pas sans deux ou trois compères surfeurs.

Pour le moment il me reste encore de la route à parcourir. De l’aventure à vivre. Des rencontres. Des vagues à surfer. Je suis actuellement à Dahkla pour faire le plein de vivres. Direction la côte du Sahara vers le Nord à la recherche de vagues plus difficiles et plus sauvages.

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